jeudi 14 mai 2015

Sécurité routière. Limiter des nationales à 80 km/h, est-ce suffisant ?

Le gouvernement a annoncé ce lundi une expérimentation de limitation de vitesse à 80 km/h sur trois tronçons de routes nationales, mais est-ce suffisant contre la mortalité ?



C'était l'une des mesures du plan de prévention routière annoncé par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve en janvier dernier. Un plan qui fait écho aux mauvais chiffres de la mortalité routière, en hausse inédite depuis 12 ans en 2014.
Le ministre a annoncé ce lundi, devant les membres du Conseil national de la sécurité routière (CNSR) - formé par des élus, des associations et des membres d'administration spécialisés dans la sécurité routière - qu'une mesure d'expérimentation de limitation de vitesse de 10 km/h serait menée dès cet été sur trois tronçons de routes nationales et ce pour deux ans.

Quelles routes concernées ?

Les tronçons concernés se trouvent sur des routes jugées particulièrement accidentogènes : sur la RN 7 (18 km dans la Drôme), la RN 151 (17 km dans la Nièvre et 32 km dans l'Yonne) et la RN 57 (14 km en Haute-Saône), soit 81 km du réseau routier national étalé sur quatre départements.

Deux sons de cloche

La mesure avait été plébiscitée par le CNSR, mais il demandait à ce qu'elle soit étendue directement à l'échelle nationale. Ce matin, on avait donc deux sons de cloche au sortir du Conseil.
D'un côté le président, Armand Jung, s'est félicité de cette mesure, saluant « l'aboutissement de deux ans de travail ». Il a aussi justifié son expérimentation sur trois routes « Il faut l'expérimenter pour savoir où l'on va », ne pas imposer « une mesure générale à l'ensemble des conducteurs » et après être obligé de faire marche arrière.
Chez d'autres, comme Chantal Perrichon, la présidente de la Ligue contre la violence routière, qui défendait une baisse généralisée de la vitesse, l'annonce fait plutôt office de pétard mouillé. « On ne sait pas les critères qui ont présidé aux choix de ces itinéraires », a-t-elle déploré.

Un rétropédalage

La présence de Bernard Cazeneuve face au CNSR était attendue. L'année dernière, alors ministre de l'Intérieur, Manuel Valls avait été conspué lorsqu'il avait annoncé que la mesure de limitation de vitesse serait testée sur des départements entiers, provoquant la colère des automobilistes.
Prenant sa relève, Bernard Cazeneuve avait contrarié les membres du CNSR en rétropédalant : la mesure « ne peut être envisagée que de façon expérimentale et sur des segments très accidentogènes. Il faut prendre le temps de la pédagogie », avait-il argué.
De nouveau devant le CNSR ce lundi, Bernard Cazeneuve était donc dans une position sensible.
« Cette expérimentation sera transparente, honnête et rigoureuse », a insisté le ministre de l'Intérieur devant le Conseil . « C'est sur cette base que nous pourrons prendre, là où cela sera nécessaire, des décisions qui pourront s'imposer à tous parce qu'elles seront comprises par tous et parce qu'elles résulteront de données tangibles et non de spéculations et de pétitions de principe. »

400 vies sauvées

A en croire les chiffres, la mesure pourrait aisément porter ses fruits. En 2013, Armand Jung avait commandé un rapport chargé d'élaborer une stratégie pour passer, comme l'avait promis le gouvernement, sous la barre des 2 000 morts annuels sur les routes en 2020.
Et le rapport se prononce en faveur de la baisse de vitesse : selon ses experts, l’abaissement à 80 km/h de la vitesse autorisée sur « les routes bidirectionnelles » actuellement limitées à 90, permettrait de sauver 450 vies s’il s’appliquait sur l’ensemble du réseau concerné, et au moins 200 vies s’il n’était mis en place que dans les zones dangereuses.

Un modèle d'analyse suédois

Les experts se sont peut être basés sur un modèle élaboré dans les années 1980 par le chercheur suédois Göran Nilsson, une baisse de la vitesse de 1 % permet une diminution de 2 % des accidents corporels et de 4 % des accidents mortels.

Une mesure impopulaire

Selon Chantal Perrichon, de la ligue contre la violence routière, 57 % des morts chaque année auraient lieu sur des routes nationales. La limitation de leur vitesse pourrait donc avoir un effet sensible sur la mortalité routière.
Reste à savoir si la mesure sera étendue à l'échelle nationale... Car, malgré les chiffres avancés, elle est très impopulaire chez les automobilistes et risque de devenir un argument électoraliste. En mars dernier, un sondage affirmait que 75 % des Français étaient contre la mesure de limitation.

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